Le reportage de Philippe Leblanc
Le petit Abouzar est orphelin. Il a frôlé la mort dans un attentat taliban il y a environ deux mois. À deux ans et demi, il peut maintenant espérer vivre une vie normale dans sa famille à Toronto.
Neuf personnes, dont deux Canadiennes, sont mortes dans l'attentat perpétré à l'hôtel Serena de Kaboul lors des célébrations du nouvel an perse, le 20 mars dernier.
Parmi les victimes, se trouvaient le réputé journaliste afghan de l'AFP, Sardar Ahmad, sa femme, sa fille et un de ses fils.
Abouzar est le seul survivant de la famille. Des dizaines de journalistes de partout dans le monde ont raconté son histoire. Il est devenu en quelque sorte le visage des victimes innocentes du conflit en Afghanistan.
Lorsque Abouzar est arrivé à l'hôpital de guerre établi par une ONG italienne à Kaboul, les infirmières ne croyaient pas qu'il allait vivre longtemps. Il avait le crâne fracturé ainsi que des blessures à la poitrine et aux jambes. Au total, il a reçu quatre balles.
Pour son cousin, Turaj Rais, Abouzar est un miraculé.
« Je crois qu'il a survécu pour une raison quelconque, dit-il. Je ne sais pas encore ce qu'Abouzar va accomplir d'exceptionnel, mais Dieu l'a gardé en vie pour une raison. »
Une promesse à tenir
Lorsqu'il a obtenu la garde légale d'Abouzar, Turaj Rais est allé se recueillir sur la tombe de son cousin, le père d'Abouzar.
« Je lui ai promis, dit Turaj en pleurs, que j'allais aimer et m'occuper d'Abouzar comme lui-même l'aurait fait. Je lui ai dit qu'à partir de ce moment-là, Abouzar serait toute ma vie. Je voulais rester en Afghanistan pour rebâtir mon pays, mais j'ai choisi plutôt de venir au Canada pour qu'Abouzar obtienne les meilleurs soins et la meilleur éducation. »
Turaj Rais, sa femme enceinte à l'époque et Abouzar sont arrivés au Canada le 30 avril. Ils ont effectué une demande de réfugiés et leur demande sera entendu à la fin du mois de juin.
Une vie plus normale
Dans son nouveau domicile de Toronto, Abouzar prend du mieux. Comme tout garçon de deux ans et demi, il adore jouer avec ses voitures et ses camions. Sa chambre en est d'ailleurs remplie. Il aime aussi regarder les dessins animés à la télévision, surtout Donald Duck, assis sur son cousin Turaj qu'il appelle « papa » depuis environ un mois.
Seules les cicatrices sur son crâne, ses jambes et sa poitrine rappellent l'horreur qu'Abouzar a vécue.
« Il ne parle jamais de l'incident à Kaboul, affirme Turaj Rais. On ne sait pas ce qu'il a vu ou s'il se souvient de ce qu'il a vécu. L'autre jour, il m'a demandé pourquoi il avait des cicatrices, mais comme j'en ai aussi, il croit que c'est normal. »
Abouzar joue depuis plus d'une semaine au rôle de grand frère auprès de ses soeurs jumelles, les filles de Turaj nées à Toronto. Il ne laisse aucun autre enfant les approcher comme s'il souhaitait les protéger des horreurs qu'il a vécus à Kaboul.
Une convalescence qui prendra du temps
Abouzar n'arrive toujours pas à plier la jambe gauche. Il a eu une fracture lorsqu'il a été atteint par balle. Une partie de son crâne est aussi manquante.
Lors de sa première visite chez la réputée pédiatre Anna Banerji de l'Hôpital Saint-Michael's, elle n'a pas manqué de le remarquer.
« Il a une attitude très positive et c'est une superbe histoire de résilience, dit-elle, mais il aura besoins de soins supplémentaires. Il devra être opérer pour son crâne et il pourrait développer de l'arthrite dans son genou gauche. »
Il a aussi reçu ses premiers vaccins au Canada ce jour-là. Comme tout garçon de deux ans et demi, la douleur de l'aiguille est rapidement disparue lorsque l'infirmière lui a remis un autocollant en guise de récompense. Il bénéficie maintenant de soins adéquats qu'il n'aurait pas pu recevoir en Afghanistan. Le Canada offre la chance à sa famille de rêver à une vie normale pour lui.
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