Parents et radicalisation : quand on n'a que la police

Written By Unknown on Rabu, 04 Maret 2015 | 14.19

En dehors du recours aux autorités policières, comme le suggère la ministre québécoise de la Sécurité publique Lise Thériault, la famille d'un enfant qui montre des signes d'extrémisme a peu de ressources pour y faire face. Tour d'horizon.

Au Collège de Maisonneuve, que fréquentaient quatre des six jeunes Québécois qui auraient pris le chemin du djihad, on nous fait savoir que l'établissement n'a pas encore d'outils pour composer avec ce phénomène nouveau.

Line Légaré, coordonnatrice du service des communications, explique que la direction de l'école « va se tourner vers des experts parce qu'on ne demandera pas à nos travailleurs sociaux nécessairement de faire ce travail-là », celui de décourager les jeunes de sombrer dans la radicalisation.

« Nos travailleurs sociaux sont outillés pour faire face à des situations plus traditionnelles. Si des étudiants et des étudiantes sont tristes parce qu'ils connaissaient les jeunes qui sont partis, c'est sûr qu'un travailleur social, une psychologue, peut faire une intervention de premier niveau dans ce sens-là. Mais ils ne sont pas outillés pour travailler en déradicalisation. » — Line Légaré, coordonnatrice du service des communications au Collège de Maisonneuve

Contactée par Radio-Canada.ca, Anouck Boilard, de l'Ordre des travailleurs sociaux et thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec, confirme de son côté l'absence d'orientation ou de littérature traitant de la radicalisation, le phénomène étant nouveau, dit-elle.

Même constat au Centre jeunesse de Montréal, dont la porte-parole, Jocelyne Boudreault, affirme qu'il n'y a aucune réflexion en cours à ce sujet, même si, ajoute-t-elle, l'organisme est conscient de cette problématique.

Mme Boudreault souligne que son établissement n'a reçu à ce jour aucun appel traitant de la radicalisation, mais si cela arrivait, elle pense que ce cas pourrait être traité comme un « trouble de comportement » et les parents pourraient être orientés, selon les situations, vers un CLSC ou un organisme communautaire. « Suspendre le passeport du jeune, surveiller son ordinateur et ses courriels et alerter la police » seraient d'autres conseils à prodiguer à une famille qui s'inquiète des signes d'extrémisme de son enfant et du risque d'un passage à l'acte.

À quel saint se vouer?

Rachida Azdouz, psychologue spécialiste en interculturel qui s'intéresse aussi aux stratégies identitaires, trouve que « l'action préventive est le parent pauvre actuellement ». « Les parents, dit-elle, ne savent pas vers qui se retourner. Il faudrait qu'il y ait une ressource comme SOS secte parce que ça participe du même procédé : le jeune est isolé, il subit un lavage de cerveau, on l'isole de sa famille, on diabolise sa famille. On lui signifie qu'il faut qu'il coupe les liens et que sa famille, désormais, c'est la secte. »

Mme Azdouz précise qu'« un parent qui voit que son enfant devient plus sombre, commence à tenir des propos radicaux, n'a pas nécessairement envie d'appeler la police. Et il n'est pas nécessaire qu'il appelle la police : l'enfant n'a pas posé de geste illégal, on ne le soupçonne pas de gagner de l'argent illégalement ». D'autant plus que chez un jeune « passablement radicalisé », la police représente « l'autorité » et pourrait même être perçue comme de « l'autoritarisme ».

Elle précise toutefois que le recours à la police est inévitable quand le jeune a « perdu le contrôle ». Elle rappelle qu'« avant, on disait aux jeunes : ''je vais t'envoyer en maison de redressement'', puis là, on lui dit : ''je vais appeler la police''. Effectivement, ça peut braquer le jeune, ça peut rompre le lien. Mais c'est utile, parce que c'est la seule solution quand le jeune est vraiment en danger, se met en danger et met la société en danger. »

« La première étape, c'est de communiquer et de dialoguer avec l'enfant pour voir ce qui se passe, pour voir d'abord si on n'est pas en train d'exagérer. Je compare beaucoup avec la drogue. Beaucoup de parents découvrent un joint dans le sac à dos du jeune, paniquent et l'imaginent déjà dans la grosse criminalité. Et quand ils parlent avec le jeune, ils s'aperçoivent finalement qu'ils ont exagéré la menace. » — Rachida Azdouz, psychologue

Une expertise à bâtir

Rachida Azdouz souligne que la deuxième étape serait de « mettre en place des cellules de crise ou de soutien pour les parents », estimant que des ressources déjà existantes pourraient être sollicitées à cette fin, comme les cliniques transculturelles, même si elles n'ont pas comme vocation la déradicalisation. « Ces cliniques pourraient soutenir des parents qui sont démunis devant la radicalisation de leur enfant pour essayer de trouver les mots justes pour rétablir le dialogue ».

En plus de « donner des outils aux parents pour repérer les comportements à risque », la spécialiste en relations interculturelles soutient qu'il faut aussi offrir des moyens aux organismes communautaires de soutien aux familles qui ne se sont pas « outillés » pour cette problématique.

Pour Mme Azdouz, il est temps de construire « une expertise multidisciplinaire. Il faut mettre des policiers là-dedans, des criminologues, des travailleurs sociaux, des enseignants. C'est vraiment des équipes multidisciplinaires qui développent, ensemble, avec des perspectives disciplinaires et des moyens d'action différents, des programmes et des projets de radicalisation. Ce n'est pas uniquement l'affaire des travailleurs sociaux et des psychologues ».

Du rôle de l'imam

Notre interlocutrice ne voit pas d'inconvénient à ce que des imams fassent partie de ces équipes multidisciplinaires, pour peu qu'« ils parlent bien français » et soient « à l'aise avec la société québécoise et ses codes ».

C'est que déconstruire le discours islamiste radical requiert aussi une connaissance du Coran pour y puiser des contre-arguments et développer une rhétorique différente des interprétations belliqueuses des djihadistes.

Owis El-Nagar, imam et prédicateur au Centre islamique canadien, affirme qu'il lui arrive de recevoir des questions de jeunes Québécois curieux de connaître la position de l'islam sur la violence islamiste et les agissements du groupe armé État islamique (EI). Il dit leur répondre que les jeunes qui croient à cette « aventure » ont été induits en erreur et déplore qu'ils boivent innocemment les paroles de cheikhs sur Internet au lieu d'écouter les imams d'ici.

De ces « aventuriers qui croient se sacrifier pour la cause de Dieu », l'imam pense que leurs « esprits sont fermés » et « hermétiques à la modération » et à l'argumentation. Il rappelle que le respect des parents, dans la religion musulmane, est plus important que le djihad et toute autre chose.

M. El-Naggar affirme insister dans ses prêches sur la tolérance et la sacralité de la vie humaine, comme prescrit dans l'islam. Il recommande aux parents de bien s'informer sur les fréquentations de leurs enfants et les sources de leur enseignement religieux.


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