La montée de l'islamisme dans le monde et l'établissement d'une importante communauté musulmane au Québec et au Canada ont charrié dans leur sillage une terminologie jusque-là inconnue de plusieurs. L'imam est au nombre de ces vocables nouveaux, dont on sait peu de choses. Éclairage.
L'imam est cette personne - toujours un homme - qui officie les prières dans une mosquée. Dans la tradition sunnite, il est désigné par les fidèles, en raison de son érudition religieuse, mais aussi de la maturité que lui confère son âge. Peut devenir aussi imam tout croyant estimant avoir eu l'enseignement nécessaire pour diriger la prière en commun. L'islam n'ayant pas de clergé, comme c'est le cas chez les catholiques, il n'existe pas d'autorité religieuse chargée de l'imamat.
Dans beaucoup de pays musulmans, notamment ceux qui ont connu des poussées de l'islam politique ou qui s'en préoccupent, les imams sont pour la plupart formés dans des écoles coraniques spécialisées, étroitement contrôlées par l'État. Celui-ci étend son contrôle jusque dans les mosquées, où les prêches sont parfois rédigés par les autorités, notamment à l'occasion d'événements sensibles. L'objectif est d'éviter que les discours radical et antisystème se diffusent dans la société.
Outre la prédication, l'imam intervient pour sceller des unions conjugales, et il joue un rôle de médiateur et de conciliateur dans les cas de conflits familiaux.
L'imam au pays de la laïcité
Qu'en est-il en Occident? À l'évidence, le modèle musulman ne peut être reproduit dans des pays où la laïcité empêche toute ingérence dans la sphère religieuse. En France, certains imams sont formés dans des instituts, comme celui d'Al-Ghazali de la Grande Mosquée de Paris. D'autres viennent de l'étranger, principalement de l'Algérie et du Maroc. Le vieux débat sur l'intégration, vivement relancé par les attentats de Paris, est souvent ponctué de réflexions sur la formation des imams. L'État doit-il s'en mêler? Comment? La question agite aussi d'autres pays comme le Danemark et l'Allemagne, où les imams, provenant principalement de Turquie, sont dûment enregistrés.
La situation est sensiblement la même au Canada, qui a connu une importante éclosion de mosquées depuis les dernières années. À Montréal, on en compte officiellement une centaine, mais Omar Koné, du Centre soufi de Montréal, estime qu'il y en a beaucoup plus.
Il n'existe pas ici d'écoles pour former des imams. Ceux qui sont désignés comme tels sont soit autodidactes ou formés à l'étranger. Lui-même imam - même s'il récuse un peu le titre -, Omar Koné a suivi un enseignement auprès de son chef spirituel durant une dizaine d'années. C'est ce long compagnonnage et son lot d'apprentissage ainsi que sa passion pour sa religion qui l'ont hissé au rang d'imam. Il estime que ce dernier doit servir la communauté et l'État. Il doit agir comme éducateur et avant-gardiste.
D'après M. Koné, dans la grande région montréalaise, la moitié des imams a suivi une formation adéquate. Globalement, il trouve que depuis les événements de 2001, les « imams ont changé » et les prêches dans les mosquées n'ont plus les accents acerbes des discours enflammés.
Cela étant dit, dans une allusion au controversé Hamza Chaoui, l'imam Koné pense que ceux qui tiennent des propos radicaux se trompent de pays. En rupture franche avec l'islam radical et littéraliste, il prône un retour à une religion de paix et de tolérance. Il plaide aussi pour une intervention de l'État qui « a un droit de regard » pour établir des « standards » dans l'exercice de la fonction d'imam, et ce, afin de rompre avec un certain « laxisme ».
Owis El-Nagar, directeur de l'école Al-Hidayah, à Montréal, présente un autre profil. Cet Égyptien d'origine est titulaire d'un doctorat en théologie de l'université Al-Azhar, réputée dans le monde musulman. Pour lui, l'imam doit suivre des études rigoureuses en religion, en plus de connaître le contexte spatiotemporel dans lequel il évolue.
Également président du Conseil des imams du Québec, récemment créé et qui représenterait 25 mosquées de la grande région montréalaise, M. El-Nagar constate qu'environ 40 % des imams au Québec n'ont pas la formation requise. Dans certains cas, observe-t-il, n'importe qui peut s'improviser imam pour peu qu'il montre une certaine connaissance de la religion. Il peut arriver, selon lui, qu'une personne sans emploi se convertisse dans l'imamat pour s'occuper et gagner sa vie.
Le Conseil des imams du Québec songe d'ailleurs à élaborer prochainement un document d'orientation dans lequel seront énumérées les conditions pour occuper la fonction d'imam. Rien de contraignant en perspective et pas d'évaluation des connaissances en vue, mais Owis El-Nagar estime qu'il appartient aux musulmans d'assainir leurs rangs.
M. El-Nagar est d'avis qu'un imam doit se consacrer entièrement à son métier et ne pas avoir un autre emploi, comme le font certains. Car, soutient-il, en plus des prêches, des prières et de la médiation, l'imam doit avoir le temps de lire et d'approfondir ses connaissances théologiques.
Nous avons cartographié les établissements de quatre religions à Montréal. La métropole compte environ 240 églises évangéliques, 200 églises catholiques, moins d'une centaine de mosquées et moins d'une centaine de synagogues.
« Cette carte montre que le fait religieux à Montréal est loin d'être moribond. Elle oppose deux types de lieux de culte : les églises catholiques, dont la plupart relèvent du patrimoine historique québécois, et des lieux plus récents : les mosquées et les églises évangéliques. Ces dernières accueillent aussi bien des natifs du Québec que des immigrants d'Amérique latine, d'Haïti, ou encore d'Afrique noire », explique Frédéric Dejean, docteur en études urbaines.
« Les lieux de culte récents sont difficiles à repérer dans le paysage urbain, car ils ne répondent pas à nos conceptions traditionnelles du lieu de culte, largement héritées du modèle catholique. Ainsi, de nombreuses mosquées ou églises évangéliques s'installent dans des locaux n'ayant pas de vocation religieuse (bureaux, hangars, etc). Nous pouvons donc parler d'une forme d'enfouissement du religieux dans l'espace urbain », ajoute-t-il.
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