Charlie Hebdo, lendemain d'attentat : reportage de Jean-François Bélanger
Le gouvernement français a étendu jeudi l'état d'alerte maximale à la région de la Picardie, où des milliers de policiers et de gendarmes sont déployés afin de retrouver les frères Saïd et Chérif Kouachi, soupçonnés d'être à l'origine du carnage perpétré mercredi matin dans les locaux du journal satirique Charlie Hebdo à Paris.
Europe 1 rapporte que la traque va se poursuivre toute la nuit avec l'aide de cinq hélicoptères, alors que la chaîne de télévision iTélé annonce que les opérations sont suspendues pour la nuit et devraient reprendre vendredi matin.
Les recherches se concentrent aux alentours de Villers-Cotterêts, une municipalité située à environ 80 kilomètres au nord-est de Paris, où les deux hommes ont été repérés plus tôt dans la journée dans une station-service située tout près. Un périmètre de sécurité a été installé à cet endroit, qui est passé au peigne fin.
Selon une source policière citée par l'Agence France-Presse, des unités d'élite de la police et de la gendarmerie nationales « sont positionnées pour vérification d'objectifs dans cette zone, où a été abandonnée la voiture utilisée par les deux suspects, identifiés par un témoin ».
France 2 rapporte que, selon le pompiste qui les aurait servis près de Villers-Cotterêts, ils circulaient à bord d'une Renault Clio - le même modèle que celui braqué par les assaillants après la tuerie - , à l'arrière de laquelle on pouvait voir des fusils mitrailleurs et un lance-roquettes.
Les deux hommes auraient volé de la nourriture et du carburant avant de reprendre l'autoroute nationale 2, en direction de Paris.
Le maire de la municipalité de Crépy-en-Valois, qui se trouve à environ 15 km à l'ouest de Villers-Cotterêts, a confirmé à l'agence Reuters que des hélicoptères survolent la périphérie de sa ville, et qu'un grand nombre de véhicules policiers sillonnent le secteur.
Pour consulter la carte retraçant les événement de l'attentat, cliquez ici.
Neuf personnes en garde à vue
Le ministre français de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, a fait savoir jeudi que les frères Kouachi font désormais l'objet d'une notice bleue d'Interpol. Cela signifie que la France demande des informations complémentaires concernant leur lieu de séjour ou leurs activités illicites aux 183 autres pays membres de l'organisation.
Selon le ministre Cazeneuve, 90 témoins ont été rencontrés par les forces de l'ordre depuis la tuerie, et neuf personnes ont été placées en garde à vue en raison de leurs liens avec leurs auteurs, soit deux de plus que ce qu'avait évoqué le premier ministre Manuels Valls en début de journée.
Le ministre Cazeneuve a annoncé que les ministres de l'Intérieur européens et américain se réuniront dimanche à Paris pour faire le point sur la lutte contre le djihadisme. « Il s'agit à la fois pour eux de manifester leur solidarité avec la France, leur rejet du terrorisme mais aussi d'échanger avec nous sur ce défi commun que nous adressent les terroristes et qui pourra n'être résolu qu'en commun au sein de l'Union européenne et au-delà », a-t-il expliqué.
L'une des personnes placées en garde à vue est un jeune homme de 18 ans, Hamyd Mourad, qui s'est rendu mercredi soir aux policiers au commissariat de Charleville-Mézières, dans les Ardennes.
Des sources policières indiquent que les six autres personnes sont des proches ou des membres de l'entourage des frères Kouachi. Les mêmes sources précisent que l'une de ces personnes a été interpellée à Charleville-Mézières, quatre à Reims et une autre à Gennevilliers.
Said Kouachi, 34 ans, et Chérif Kouachi, 32 ans sont nés à Paris et détiennent la nationalité française. Ce dernier est un djihadiste connu des services antiterroristes.
D'après NBC News, qui cite une source au département de la Sécurité intérieure, les deux frères figurent sur la liste noire américaine du terrorisme et sont interdits d'entrée aux États-Unis.
Le drame... en quelques minutes
Selon le procureur de la République, François Molins, les auteurs de la tuerie, vêtus de noir et cagoulés, ont fait irruption dans l'immeuble abritant les locaux de Charlie Hebdo vers 11 h 30, heure locale, mercredi, après être arrivés sur les lieux à bord d'une Citroën C3 de couleur noire.
Après avoir tué un employé d'entretien, ils sont rentrés dans la salle de rédaction du journal, où ils ont tué 11 personnes. Selon un témoin cité par le procureur, les agresseurs criaient « Allah akbar » (Dieu est grand) et « affirmaient vouloir venger le prophète » Mahomet.
La dessinatrice Corinne Rey, qui a ouvert la porte des locaux de Charlie Hebdo aux deux hommes cagoulés, a aussi déclaré au journal L'Humanité qu'ils « se revendiquaient d'Al-Qaïda ».
Toujours selon le procureur Molins, les assassins ont ensuite repris leur véhicule et ont ouvert le feu en chemin sur trois patrouilles policières. Un policier du 11e arrondissement a été tué lors de la troisième rencontre, boulevard Richard-Lenoir.
Onze personnes ont aussi été blessées par les tueurs.
Dans leur fuite, les assaillants ont percuté un véhicule près de la place du Colonel-Fabien, blessant du coup une conductrice. Ils ont abandonné leur véhicule non loin de cet endroit, rue de Meaux, dans le 19e arrondissement de Paris, près de la porte de Pantin. Ils ont alors braqué une Renault Clio avant de poursuivre leur cavale.
Selon des sources d'AFP, une dizaine de cocktails Molotov, deux drapeaux djihadistes et la carte d'identité d'un des suspects ont été retrouvés dans la Citroën.
Une enquête a été ouverte par la section antiterroriste du parquet de Paris pour « assassinat et tentative d'assassinat, vol à main armée, infraction à la législation sur les armes, le tout en lien avec une organisation terroriste, et association de malfaiteurs criminelle ».
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